LE PONT DE LA CONCORDE

 

 

En 1722, la ville de Paris avait été autorisée, par lettres patentes, à faire un emprunt pour la construction d’un pont à l’endroit où se trouve celui de la concorde.

«Louis …….. sur ce qui nous a esté représenté, que la construction d’un pont sur la rivière de la seine, aux environs de la rue de Bourgogne, nouveau quartier de Saint Germain, en point de vue du Pont-Tournant de l’entré du Jardin des Thuileries, seroit non seulement d’une utilité très grande pour la communication du dit quartier de Saint Germain à ceux de Saint Honoré, de la ville l’Evêque et du Roule; mais que ce pont étoit même nécessaire pour le dégagement du Pont Royal, de l’entrée des Thuileries et des guichets des galeries du Louvre, les habitants de ces différents quartiers du Louvre étant obligez, les uns de se détourner, et tous prendre le même chemin, pour communiquer au nouveau quartier de Saint Germain, ce qui causoit divers accidents et des embarras d’autant plus fréquents que la proximité du port Saint Nicolas, dont le commerce est considérable, y attiroit un grand nombre de voitures. Que d’ailleurs le nouveau pont seroit d’un grand secours pour les particuliers des quartiers Saint Honoré, de la ville l’Evêque et du Roule, qui tireroient leurs provisions de bois à brûler des chantiers dont nous avons ordonné l’établissement dans l’isle des Cignes, puisque la communication que ce nouveau pont establiroit entre les dits quartiers et celui de Saint Germain abrègeroit considérablement le chemin que les voitures des dits particuliers étoient obligez de faire en passant par le pont royal: et ayant fait communiquer au sieurs Prévost des Marchands et Echevins…. Les propositions à nous ont été faites…., tant sur l’établissement de ce nouveau pont que d’une machine Hydraulique qui avoit été en même temps proposée pour élever de l’eau, et en fournir les quartiers de Saint Germain et de Saint Honoré….qui n’en peuvent tirer suffisamment des pompes actuellement establies au Pont Notre Dame…. Il était de l’avantage du public et de la sûreté de ce succès que nous chargeassions des dits Prévost des Marchands et Echevins de la construction des dits pont et machine…., en leur accordant la permission d’emprunter à constitutions de rentes jusqu’à concurrence de la somme de 500 000 livres.(Lettres patentes du 3 juillet 1725)

Ce projet ne reçut aucune suite et les communications entre les deux rives continuèrent à ce faire, comme par le passé, « au moyen des petits bateaux qu’on prenait au droit de la place Louis XV, moyennant six deniers par personne et 2 sols 6 deniers quand on passait seul». Il fut un instant question d’établir en cet endroit un pont en bois avec péage. Mais un semblable pont ne convenait plus à la place Louis XV.

Un premier projet de pont en pierre fut soumis, en 1771 par Perronet au Roi, qui l’accepta. Son exécution, demandant deux millions environ, fut ajournée faute de crédits disponibles.

En 1786, il n’était plus possible de différer la construction du pont projeté. Les faubourgs Saint Germain et Saint Honoré étaient couverts d’hôtels particuliers, d’établissements important, religieux ou autres et, comme le fait remarquer très justement Thierry, La distance de la place Louis XV au Pont Royal étant, à peu de toises près, la, même que celle qui est entre ce pont et le Pont Neuf, la construction d’un pont devait éviter aux habitants de ces deux quartiers le trajet qu’ils étaient obligés de faire pour se communiquer. Il est bien vrai, ajoute Thierry, qu’il a été établi un bac au droit des Invalides ; mais, outre la lenteur et l’incommodité d’un tel passage, dispendieux au peuple, on est encore forcé de l’interrompre dans les temps de glaces et des grandes eaux.»

L’Edit ordonnant la construction d’un nouveau pont est du 7 septembre 1786. Il est dit : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

«Art. 13 – Ordonnons qu’aussitôt après la publication du présent Edit , les plans déjà formés pour la construction d’un pont vis-à-vis la place Louis XV, ensemble les devis estimatifs de la dépense, seront mis sous nos yeux pour être par nous arrêtés, et, aussitôt après être procédé à l’adjudication des travaux, lesquels seront commencés sans délai, et suivis de ceux relatifs à l’achèvement et perfectionnement du quai d’Orsay.

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Art. 18 – Sur la dite somme de trente millions formant le montant (de l’emprunt nécessaire pour exécuter les travaux ordonnés par l’Edit Royal) il sera gardé….douze cent mille livres pour commencer la construction du pont vis-à-vis la place Louis XV.

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Perronet, architecte du Roi et premier ingénieur des ponts et chaussées, fut chargé de présenter le projet du nouveau pont. L’exécution en fut confiée au sieur François Prévost, à la suite d’une adjudication passé le 27 février 1787 et moyennant la somme de 2.993.000 livres.

Les travaux devaient être terminés dans le délai de cinq années.

«Le pont est composé de cinq arches en arc de cercle reposant sur quatre piles et deux culées en maçonnerie fondées sur des plates formes en charpente arasées à 1 m 95 au dessous de l’étiage et reposant elles mêmes sur des pilotis.

«Les piles sont terminées par des avant et arrières becs affectant la forme de colonnes engagés d’un quart de leur diamètre dans le corps des piles et élevées jusqu’au niveau de la corniche qui règne sur les deux têtes du pont.

«Les demi-piles placées aux quatre angles du pont font également saillie des trois quarts de leur diamètre, tant sur le nu des têtes que sur celui des culées.

«Perronet avait d’abord projeté pour ces piles des dispositions architectoniques semblables à celles qu’il avait appliquées au pont Saint-Maxence sur l’Oise, c'est-à-dire qu’au lieu d’être pleines, elles devaient offrir un système de colonnes groupées, chaque pile étant composée de deux de ces groupes laissant entre eux une ouverture ou espèce de portique régnant dans toute la longueur du pont et dans le milieu de chaque pile….

«La largeur entre les têtes est de 15 m.59 dont 9m.75 réservés pour la chaussée; 4m87 pour les deux trottoirs et 0m97 pour les parapets à balustres qui les bordent.

«La largeur des arches est de 25m.34 pour celles de rive, de 28m.26 pour celles adjacentes, de 31m19 pour l’arche du milieu. (Notice sur les Ponts de Paris, par Romany)

Le 11 août 1788 eut lieu la cérémonie de la pose de la première pierre. Une boîte, renfermant une médaille d’or, deux médailles d’argent et trois médailles de bronze, fut posée dans le corps de la pile la plus rapprochée de la place Louis XV. Ces médailles représente d’un coté le buste du Roi avec cette légende: Louis XV, roi de France et de Navarre, et, à l’exergue: Ville de Paris, et de l’autre: une perspective du pont et de la ville, avec cet exergue: Pont de Louis XVI, 1788.

L’inscription suivante a été gravée sur la planche de cuivre clouée sur cette boîte:

«1788. Le lundi 11 août, du règne de Louis XVI. Le Roi ayant chargé la Ville de Paris de faire en son nom la cérémonie de la pose de la première pierre du pont Louis XVI, cette première pierre de fondation a été posée par Messire Louis Le Peletier, chevalier, Marquis de Montmélian, Seigneur de Mortefontaine, Plailly, Beaupré, Othis et autres lieux, Grand trésorier, Commandeur de l’ordre du Saint Guyot, écuyer, Doyen des Quartiniers et ancien juge consul : J. B. Dorival, écuyer, avocat au Parlement, commissaire au Châtelet; J. B. Buffault, chevalier de l’ordre du Roi, son conseiller en l’Hôtel de Ville; Charles Barnabé Sageret, écuyer, ancien consul; tous quatre Echevins. Messire Dominique L. Ethis de Corny, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis et de l’ordre de Cincinnatus, avocat et procureur du Roi; M. Fr. JosephVeytard, écuyer, Trésorier général de l’ordre royal et militaire de Saint Louis, greffier en chef; et M. P. Armand Vallet de Villeneuve, écuyer, Trésorier général de la Ville.

«Ce pont exécuté sur les dessins et sous la conduite de M. J. Rodolphe Perronet, premier ingénieur des Ponts et Chaussées de France, de l’Académie royale des sciences de Paris, de la Société royale de Londres et autres. »

En 1789, la Bastille était prise, rasée, et les pierres en étaient employées à l’achèvement du nouveau pont « afin que le peuple put continuellement fouler au pieds l’antique forteresse».

Terminé en 1791, le pont reçut le nom du roi Louis XVI. Il le changea, un an après, pour celui de la révolution, nom qu’il conserva jusqu’en 1795. Il prit le nom de pont de la Concorde qu’il a conservé depuis.

«On retrouve au pont Louis XVI ce caractère d’élégance et de légèreté que Perronet a su donner presque à tous ses ponts; ceux de Mantes, de Melun, de Saint Maxence, où il a cherché à rendre les piles très légères, les arches les plus étendues et les plus surbaissées possibles sont des modèles admirables.

«Plusieurs ingénieurs de mérite avaient déjà tenté, mais sans succès, de reproduire chez nous des ponts de ce système. Perronet fut le premier qui sut se rendre compte de la force des pierres suivant leur qualité respectives et donner à ses culées une force suffisante pour résister à l’effrayante poussée de ces arcs surbaissés. Une multitude d’expériences qu’il fit à ce sujet, ainsi que tous les détails de construction des ponts qu’il construisit ont été consignés dans son œuvre, et servent aujourd’hui de guides dans l’exécution de semblables travaux.» (Description de Paris et ses édifices. Legrand et Landon; 1842)

«Le projet primitif comportait seize pyramides quadrangulaires, dont plusieurs dessins et un modèle au vingt-quatrième existent à l’école des Ponts et Chaussées. Il fallait donner à ces pyramides, à raison de la grosseur de leur socle, une large emprise et de robustes proportions. C’est ce qu’a fait leur auteur: mais il était à craindre que, traitées ainsi, elles ne parussent pesantes. Pour prévenir cet inconvénient, Perronet projeta de les construire en métal et de les faire creuser, avec des faces ajourées par les interstices des ornements qui les garnissent.

«Ces pyramides n’étaient pas seulement décoratives. Perronet leur avait assigné l’emploi des candélabres. Elles devaient porter, au–dessous du globe qui les surmonte, une lanterne pouvant être descendue ou remontée à l’aide d’une chaîne et d’une poulie. A cette fonction matérielle se joignait un rôle symbolique. Des attributs de la Maison de France: l’entrelacées, tête nimbée de rayons, fleurs de lys, placés l’un au dessus de l’autre et enveloppés de branches de lauriers, occupaient chacune des quatre faces. Le globe terminal, semé de fleurs de lys, portait la couronne de France. Cette décoration était en même temps bien conçue et largement traitée; mais la dépense en parut excessive. «(Le pont de la Concorde, par M. de Dartien, p.13.)

En 1791, on se proposa d’y placer «seize des vingt-quatre statues de grands hommes, que le roi a fait exécuter en marbre». Mais les hommes choisis par Louis XVI ne sont pas ceux qu’honore la Révolution et aucune suite ne fut donnée à ce projet.

«Un projet d’embellissement de la place de la Révolution, présenté le 30 thermidor an III (18 juillet 1795) par le citoyen Grosbert, Directeur de l’arsenal de Meulan, comporte la pose de groupes et de statues de bronze sur les piles du pont; on aurait rassemblé des bronzes moulés sur l’antique, pris dans les résidences royales, et on les aurait élevés sur de minces piédestaux superposés aux socles couronnant les piles; comme le montre un dessin conservé dans les archives du ministère des travaux public, où l’on reconnaît les figures du Rémouleur et du Gladiateur.» (Le pont de la Concorde, par M. de Dartien, p 36.)

Ce projet fut encore abandonné.

Par la suite, différents autres projets furent étudiés en vue de la décoration du pont Louis XVI. Nous avons sous les yeux une lithographie de l’époque qui représente le pont avec douze colonnes, de forme pyramidale, surmontées des armes et de la couronne royales. Cette décoration n’a jamais été exécutée, fort heureusement. Elle aurait été de très mauvais goût et d’un effet pitoyable.

Des réverbères, suspendus à des chaînes, courant sur de modestes potences en fer, furent le seul ornement du pont de la Concorde jusqu’en 1810, époque à laquelle Napoléon fit placer sur le pont les statues de huit généraux morts sur les champs de bataille.

Par un décret du 1er janvier 1810, Napoléon ordonne, en effet, que «les statues de Saint Hilaire, Espagne, Lassalle, Lapisse, Cervoni, Colbert, Lacour, et Hervo seront placées sur le pont de la concorde». Les quatre dés qui terminent le mur d’épaulement auraient été surmontés de trophées.

«On se mit à l’ouvrage. Cinq blocs de marbre, mesurant chacun de 9 à 12 mètres cubes, furent, en 1812, déchargés de bateau, transportés et montés sur selle par l’entrepreneur Ballu et les cinq statues tirées de ces blocs furent achevées. Mais la Restauration ayant succédé à l’Empire, une seule, celle de Saint Hilaire, expédiée en province, fut dressée sur une place publique. Les autres furent reléguées dans une cour des invalides. Elles mesuraient, plinthe comprise, 12 à 13 pieds de hauteur.» (Le pont de la Concorde, par M. Dartien p.37.)

Enfin, des ordonnances, en date des 19 janvier et 14 février 1816, décidèrent que le pont Louis XVI serait orné de douze statues colossales. Ces ordonnances ne reçurent leur exécution qu’en 1828.

Ces douze statues représentaient :

Bayard par Moutoni, Duguay-Trouin par Dupasquier, Turenne par Gois fils, qui remporta le grand prix de sculpture à dis sept ans, Tourville par Marin, Surger par Stouf, Duguesclin par Bridan fils, Condé par David, le Cardinal de Richelieu par Ramey père, auteur d’un Napoléon en costume impérial, l’une de ses principales œuvres, Sully par Espercieux, Colbert par Milhomme, Duquesne par Roguier et Suffren par Lesueur.

Vues des quais, ces statues en marbre blanc, produisaient un bel effet; mais leur hauteur colossale, par suite du peu de largeur du pont, était disgracieuse. Et c’est pour ce dernier motif, et non en raison de leur poids, comme l’on écrit certains historiens, qu’elles furent enlevées et transportées, en 1837, dans la grande cour du château de Versailles, où elles se trouvent encore et où elles semblent mieux placées.

M. de Chateaubriand avait, dit on, exprimé l’avis, alors que ces douze statues étaient encore en place, qu’elles fussent transportées dans l’avenue des Champs Elysées, dont elles auraient fait la principale décoration; on y aurait ajouté douze autres statues de nos plus illustres capitaine ou hommes d’Etat. Il est regrettable que l’avis de M. de Chateaubriand n’ait pas prévalu.

Nous rappellerons enfin, qu’en outre des douze statues dont nous venons de parler, quatre groupes devaient être placés sur les deux rives de la Seine. Les artistes chargés de ces travaux étaient MM. David, Cortot, Pradier, et Ramey fils ; mais ces groupes ne furent jamais exécutés.

Pour la décoration du pont de la Concorde, on a essayé, vers 1840, d’un modèle de grands candélabres.»Il faut féliciter, dit M. Meynadier, dans Paris pittoresque et monumental, le bon juge qui les a proscrits au berceau. Ils auraient eu tous les inconvénients des statues sans en avoir le beau caractère et l’intérêt. Leur auteur, homme de grand talent, mais qui ne fut pas heureux cette fois, a pris sa revanche complète; il a composé dans un style, peut être sans nom, un fût de lanterne flanqué de chimères: le tout est bizarre, mais original et charmant.»

«On peut reprocher à cet artiste cependant, comme à quelques uns des ses confrères, d’avoir employé, dans cette circonstance, un trop grand nombre de candélabres.Pour apprécier son œuvre, il eût suffi de compter une douzaine d’exemplaires sur tout le pont; cette sobriété eut répondu aux besoins du luminaire, puisqu’on n’allume jamais que la moitié des lanternes.»

La construction du quai d’Orsay, sur la rive gauche entre le pont Royal et celui de la Concorde, fut ordonnée en 1802. L’arrêté impérial du 13 messidor an X (2 juillet). Le Ministre de l’Intérieur en posa la première pierre le 24 du même mois. Napoléon ordonna d’autre part; par décret du 11 mars 1808, qu’il serait construit un quai depuis le pont de la Concorde jusqu’à celui de l’Ecole militaire. Les travaux devaient commencer immédiatement et être achevés en six ans. Ils ne l’étaient pas encore à la chute de l’Empire et ce ne fut qu’en 1827 que le quai d’Orsay fut terminé jusqu’au pont d’Iéna.

Le pont de la Concorde a eu de nombreux jour de fêtes.

Tout d’abord celle qui fut célébrée le 10 brumaire an X (1er novembre 1801) pour la paix générale. Un temple, heureuse allégorie de la liberté du commerce et élevé sur la Seine, ouvrait ses portes aux négociants de tous les pays qui y abordaient. A l’occasion de la cinquième Exposition de l’Union centrale des Beaux Arts appliqué à l’Industrie, il y a quelques années, la ville de Paris a exposé un dessin à la sépia, attribué aux frères Piranési, dessin fort joli et qui représentait précisément l’illumination de pont de la place de la Concorde (vue du quai) pour la fête de la paix générale.

Nouvelle fête en 1810, à l’occasion du mariage de Napoléon avec Marie Louise. Un dessin de Percier et Fontaine, gravé par Barrée et Clochard, nous montre le pont de la Concorde avec de petites colonnettes, posées sur la balustrade, toutes enguirlandées et resplendissantes de lumière.

Trente ans après, le 15 décembre 1840, passait sur ce même pont de la Concorde le cortège qui conduisait les restes du grand Empereur aux Invalides. Ce jour-là, la place et le pont de la Concorde étaient décorés de huit statues: la prudence, par M. Ramus; la force, par M. Gourdel ; la justice, par M. Bion; la guerre, par M. Calmels; l’agriculture, par M. Thérasse; l’éloquence, par M. Fauginet; les beaux arts, par M. Merlieux; le commerce, par M. Dantan jeune.

A chaque angle du pont était placée une colonne triomphale.

 Le magasin pittoresque (février 1842, t ; IX, p.41) a consacré un article spécial à la translation des cendres de Napoléon et l’accompagne de vues très intéressantes.

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       Les fêtes ont été nombreuses du temps de la République de 1848. Mais celles qu’il faut citer d’une façon toute particulière, parce qu’elles ont été célébrées avec une pompe et un éclat inaccoutumés, sont celles du 4 mai 1851, à l’occasion du troisième et dernier anniversaire de la République, et du 15 août 1852.

Voici le programme officiel de la première :

« A six heures du matin, des salves d’artillerie commenceront la fête….

«A deux heures, auront lieu des courses et régates à la rame et à la voile, auxquelles pourront concourir les armateurs français et étrangers. Des bâtiments à vapeur, bateaux à voiles, jonques chinoises, barques vénitiennes et pirogues, pavoisées et décorées, stationneront et circuleront sur le bassin de la seine, entre les ponts Royal et de la Concorde, ainsi qu’entre les ponts de la Concorde et des Invalides.

«Des médailles en or et en argent seront accordées aux vainqueurs dans les joutes et aux patrons dont les embarcations auront été les mieux décorées, pavoisées et illuminées.

«Sur l’arche du milieu du pont de la Concorde et en face du Pont Royal, un groupe, représentant le Génie de la navigation, des tritons et des chevaux marins, s’élèvera sur une masse de rochers ayant leur base dans le fleuve. Au milieu et au travers de ces rochers se précipitera une cascade accidentée, rappelant les plus belles chutes d’eaux naturelles. Les eaux jailliront depuis dix heures du matin jusqu’à minuit.

«Les candélabres de la rue de la Concorde, une partie des eaux de la place, et ceux de l’avenue des Champs Elysées jusqu’au rond point seront surmontés d’étoiles lumineuses…

«Les angles du pont de la Concorde seront ornés de trépieds illuminés.

«La cascade et les rochers seront éclairés par des feux de bengale de couleurs variées, ainsi que les quais attenants en aval et en amont du pont de la Concorde.

«Le bassin de la Seine sera sillonné par de nombreuses barques décorées et illuminées.

« Des feux d’eau variés et des feux de bengale seront brûles sur la rivière…….

«Paris, le 29 avril 1851.   Signé: Léon Faucher.»

On trouvera dans le tableau de Paris (chapitre XXXIX, page 2) un dessin très vivant de la Seine et de ses quais pendant cette fête, de la décoration du pont de la Concorde et du palais Bourbon. 

La fête du 15 août 1852 fut toute militaire, et comme il n’y a pas de fête sans feu d’artifice, il y en eut un qui fut tiré sur le pont de la Concorde. Il représentait le passage du mont Saint Bernard par Bonaparte….. Bombes, fusées, chandelles romaines, rien n’y manquait, pas même un feu particulier, imitation de la neige répandue sur les rochers. Puis, tout à coup, apparut à la cime du mont, au milieu d’un globe de feu, l’Empereur, apparition bientôt suivie d’un bouquet monstre et du départ d’un ballon chargé d’artifices, entraînant la lettre N à travers l’espace.

En présence d’un pareil spectacle, l’émotion populaire fut, on le conçoit, à son comble.

Bien entendu, depuis 1852, le pont de la Concorde a été le théâtre de nombreuses réjouissances publiques plus ou moins importantes et souvent aussi de manifestations populaires assez mouvementées.

L’une des ces dernières et la plus imposante fut certainement celle de la proclamation de la troisième République, le 4 septembre 1870.

Depuis lors, aucun fait réellement intéressant ne s’est passé sur le pont de la Concorde. Nous citerons pour mémoire: les funérailles de Gambetta (6 janvier 1883). Voir Monde illustré, 27e année, numéro 1451, 13 janvier 1883 les funérailles de Victor Hugo, 31 mai 1885 (Illustration du 6 juin 1885.)

 

 

 

 

 

 

 

 

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